En 1970, General Electric demande à McKinsey de résoudre une difficulté inattendue : les outils classiques d’analyse stratégique échouent à guider des choix complexes impliquant de nombreux domaines d’activité. Les réponses apportées transforment la gestion de portefeuille d’activités dans les grandes entreprises.Un modèle à neuf cases, articulé autour de deux axes, s’impose rapidement comme référence dans les directions générales. La logique derrière cette matrice repose sur la confrontation entre l’attractivité d’un secteur et la force concurrentielle, permettant d’arbitrer entre croissance, maintien ou retrait.
Matrice McKinsey : un outil clé pour piloter la stratégie d’entreprise
Au début des années 1970, McKinsey & Company ouvre la voie à une façon plus structurée de concevoir la stratégie, grâce à la matrice McKinsey. Cet outil d’analyse stratégique devient vite une référence pour les dirigeants qui cherchent à prendre des décisions réfléchies. Contrairement à la vision binaire de la matrice BCG, le modèle McKinsey propose une lecture plus souple, reposant sur deux axes majeurs : l’attractivité du marché et la position concurrentielle. Cette grille en neuf cases permet d’examiner chaque domaine d’activité stratégique (DAS) avec précision.
Ce qui fait la force de ce modèle, ce n’est pas la facilité, mais la capacité de combiner de nombreux critères afin d’obtenir une vision d’ensemble : taille du marché, croissance, rentabilité, barrières à l’entrée, stabilité sectorielle, contraintes réglementaires… Sur l’axe concurrentiel, on intègre la part de marché, la notoriété de la marque, la performance opérationnelle ou la capacité d’innovation. Cette analyse croisée éclaire sans détour les choix de renforcement, de maintien ou de retrait d’activités.
On parle aussi de matrice attraits/atouts ou matrice attractivité-compétitivité. Cet outil reste pertinent auprès de tous les profils de gestion, des PME jusqu’aux comités de direction des groupes internationaux. Il sert de socle pour répartir les ressources, ajuster la stratégie d’entreprise et avancer sur des bases solides.
Utiliser la matrice McKinsey, c’est refuser la facilité des décisions automatiques : il faut clarifier les critères, se confronter aux faits et arbitrer avec méthode. Quand on la mobilise avec rigueur, elle se mue en levier concret pour bâtir une trajectoire adaptée à la réalité de l’entreprise.
Quels sont les axes fondamentaux et critères d’analyse de la matrice ?
La matrice McKinsey repose sur deux axes fondamentaux : l’attractivité du marché d’un côté, la position concurrentielle de l’autre. Chaque DAS est positionné dans une grille à neuf cases, croisant ces deux dimensions pour refléter les enjeux propres à chaque secteur.
Pour évaluer l’attractivité du marché, il convient de s’appuyer sur plusieurs éléments. Voici les critères les plus souvent mobilisés :
- La taille du marché
- Le rythme de croissance
- La rentabilité potentielle
- L’existence de barrières à l’entrée
- Le niveau de concurrence
- La stabilité sectorielle
- Le rapport de force avec clients et fournisseurs
- Le risque de produits de substitution
- Le contexte réglementaire
L’étude de la position concurrentielle d’un DAS passe, elle aussi, par la prise en compte de multiples paramètres :
- La part de marché détenue
- La force de la marque
- La qualité de l’offre
- L’accès aux principaux circuits de distribution
- L’efficacité opérationnelle
- La capacité à innover
- La solidité du réseau commercial
- Les ressources financières mobilisables
- Le niveau des compétences managériales
Cette grille fournit bien plus qu’un simple classement des activités. Elle permet de guider les choix stratégiques, en mettant en lumière les domaines porteurs et ceux dont il vaut mieux se retirer. L’exercice exige méthodologie et lucidité pour ne pas se perdre dans l’imprécision ou l’empressement.
Décryptage étape par étape : comment utiliser la matrice McKinsey dans la pratique
Maîtriser la matrice McKinsey implique rigueur, ouverture et un regard objectif sur la situation de l’entreprise. Construite sur une grille 3×3, la matrice place chaque DAS selon l’attractivité du marché et sa propre position concurrentielle. La première démarche consiste à segmenter le portefeuille d’activités de façon pertinente, car tout l’enjeu de l’analyse commence ici.
Ensuite, il s’agit d’évaluer chaque critère avec soin, en s’appuyant sur des outils comme l’analyse macro-environnementale, l’étude de la pression concurrentielle, et la cartographie des ressources en interne. La pondération des critères requiert des échanges francs et une confrontation des points de vue pour limiter la subjectivité.
Pour faciliter la prise de décision, voici comment les résultats de la matrice sont généralement exploités :
- Investir lorsque le potentiel est fort et la position sur le marché solide ;
- Maintenir lorsqu’un DAS présente des perspectives moyennes, sans être menacé ni capable de tirer le portefeuille vers le haut ;
- Désinvestir pour les domaines où le marché stagne et où la position de l’entreprise est faible.
Ce cadre stimule l’analyse de portefeuille et la planification des ressources, tout en permettant d’anticiper les réallocations nécessaires. Les plateformes digitales facilitent désormais la consolidation et le suivi des plans d’action. Reste que la matrice n’est pas sans défaut : il faut jongler avec des critères parfois complexes, limiter la part d’interprétation et actualiser régulièrement l’exercice pour qu’il reste pertinent. Croiser la matrice avec d’autres outils d’analyse stratégique renforce le diagnostic et préserve des angles morts.
Exemples concrets et conseils pour maximiser l’impact stratégique
Performante sur le papier, la matrice McKinsey devient redoutable lorsqu’elle s’enracine dans le réel. Prenons TechIndus, qui souhaitait repositionner son offre : électronique, capteurs, objets connectés. Chaque segment a été passé au tamis des critères de marché et de position concurrentielle. Verdict : forte accélération sur l’industrialisation des capteurs haut de gamme, retrait progressif du segment des composants standards, déclinant et fortement concurrencé.
Chez TechSolutions, la croissance du cloud a poussé à examiner le potentiel du secteur, la rentabilité, la notoriété de la marque, la capacité à proposer des nouveautés. La matrice a mis en avant la solidité de la gamme « logiciels métiers », propice à des investissements appuyés. À l’inverse, les solutions « on premise » historiques, moins dynamiques, sont passées en retrait : la stratégie s’en est trouvée clarifiée.
Pour Valrhona, la matrice a souligné que la branche formation et tourisme était trop éloignée du cœur de métier chocolat. La direction a recentré ses efforts sur la gamme premium, support du développement, tout en ouvrant la réflexion sur les activités secondaires. La matrice, loin d’être une simple photo d’un instant, oriente la répartition des ressources et les repositionnements décisifs.
Pour donner tout son sens à l’outil, certaines règles priment : recueillir des données fiables, objectiver l’évaluation des critères, confronter les résultats en équipe. Cette méthode demande rigueur, exigence, mais elle permet d’arrêter des choix clairement assumés. La matrice McKinsey se démarque par sa capacité à relier analyse stratégique et passage à l’action concrète, pour transformer la complexité du portefeuille en décisions argumentées et adaptées au contexte.
À la clé : pas de solution miracle ni de vision toute faite, mais la possibilité d’avancer, étape après étape, dans la construction d’une stratégie assumée. Entre intuition et méthode, la matrice trace un itinéraire auquel chaque décideur donne un visage unique.